Interview avec Muhammed Muheisen

Ce photographe documentaire primé voyage autour du monde pour immortaliser des régions en conflit et des réfugiés

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Qui est Muhammed Muheisen

Muhammed Muheisen est un photographe mondialement connu. Il est double lauréat du Prix Pulitzer, il est photographe du National Geographic, il a fondé et il préside l'association néerlandaise à but non lucratif Everyday Refugees Foundation, il est l'ambassadeur du Tourism Board de Jordanie, de Royal Jordanian Airlines et de Canon, et il est représenté par la National Geographic Image Collection. En 2013, il a été proclamé Best Wire Photographer par le TIME Magazine. Cela fait plus de dix ans qu'il documente la crise migratoire dans différentes parties du monde.

Muheisen est jordanien, né à Jérusalem en 1981, et il a un diplôme universitaire en journalisme et sciences politiques. Depuis 2001, il s'intéresse aux grands événements dans le monde, en Asie, en Europe, au Moyen-Orient, en Afrique et aux Etats-Unis. Il a obtenu de nombreux prix internationaux pour son travail.

"A picture that has no emotions in my personal opinion, is like a body without a soul"

En 2005 et 2013 votre travail a été couronné par le prestigieux prix Pulitzer. Comment cela vous a-t-il influencé en tant que photographe ?

"Personnellement, cela n'a rien changé. Je suis resté le même. Sur le plan professionnel, le fait d'être double lauréat du Prix Pulitzer t'offre une plus grande autonomie et donne plus de force à tes photos. Cela m'a donné une crédibilité internationale, ce qui me permet d'approcher plus facilement des personnes importantes, celles qui peuvent faire la différence, et d'utiliser cela pour moi-même faire la différence. Il n'y a en effet pas de meilleur moyen de faire la différence qu'avec la photographie.

Je veux répandre la prise de conscience par le biais de mes images. Je veux changer les stéréotypes et faire valoir la voix des gens que je photographie. Il ne s'agit pas seulement d'une photo, il s'agit d'un message d'un enfant ou d'un adulte d'un côté du monde, pour l'autre côté du monde"

 

Qu'est-ce qui est pour vous une bonne photo journalistique ?

"A mon avis, sur le plan technique, une image immortalisée avec la bonne lumière, un bel arrière-plan et un bon sujet font une bonne photo. Toutefois, personnellement, une bonne photo est celle qui raconte une histoire, qui montre la réalité d'un sujet, et vous fait ressentir ce qu'il se passe sur place. S'il se passe quelque chose et que ce n'est pas documenté, c'est comme si ça n'était jamais arrivé.

Je trouve qu'il est important de raconter les histoires non racontées, de répandre la prise de conscience, de changer les stéréotypes et surtout d'aider les gens que je photographie."


"If something happens and not get documented it is like it never occurred."

Quel conflict a eu le plus d'impact sur vous et pourquoi ?

"En 2003, j'étais en Irak pendant la guerre menée par les Etats-Unis. J'étais jeune, peureux et sans expérience. J'étais là pour montrer la destruction, la misère humaine et la guerre. L'Irak m'a changé. Je ne suis plus jamais redevenu le même, ni personnellement, ni professionnellement. J'y ai vécu des choses horribles, qui sont allées au-delà de ce que j'avais jamais imaginé. De nombreuses images que j'ai prises là-bas auraient pu me coûter la vie. Si je pouvais faire marche arrière, je n'y serais jamais allé, mais j'ai toujours cru dans l'importance de la documentation. S'il se passe quelque chose et que ce n'est pas documenté, c'est comme si ça n'était jamais arrivé.

L'Irak a donc changé ma vie d'une manière ou d'une autre. C'est là où j'ai gagné le premier Prix Pulitzer. Selon le monde de la photographie, je n'étais plus juste un photographe, j'étais un photographe lauréat du Prix Pulitzer. Les attentes sont devenues plus élevées."


Dans les zones de conflit, Il faut savoir prendre des risques pour prendre la bonne photo. Comment gérez-vous votre sécurité et celle des autres dans de tels endroits ?

"La sécurité est primordiale, puisque si tu meurs, tu ne peux pas montrer tes photos, et tu as donc échoué dans ta mission. Il existe toujours un risque, et nous en sommes conscients. Nombreux d'entre nous avons suivi un entraînement pour travailler dans des environnements hostiles. Nous faisons nos devoirs avant de commencer. Parfois, nous manquons de chance, et nous sommes au mauvais endroit au mauvais moment. Pour être honnête, l'intérêt de notre travail, c'est-à-dire partager avec le monde ce qui se passe autour de nous, facilite les choses.

Tout d'abord, je suis un homme, et il est de mon devoir d'aider s'il n'y a personne d'autre pour aider. S'il y a de l'aide, je continue à documenter ce qu'il se passe afin de le partager avec le reste du monde.

En 2015, j'étais sur une plage de l'île grecque Lesbos, lorsqu'un bateau pneumatique est arrivé en provenance de la Turquie. Il n'y avait personne autour de moi, donc j'ai posé mon appareil photo et je les ai aidés. Peu de temps après, des bénévoles sont arrivés et c'est à ce moment-là que j'ai pu commencer à prendre des photos."

"I’m simply the guy who is behind the camera, not the one in front of it."

Nous observons un grand contraste dans vos photos, de conflits violents à de joyeux enfants. Quelle est la raison de ce contraste si important ?

"J'ai toujours été attiré, avec ma photographie, par la vie pendant la guerre. C'est comme un sourire au milieu des débris, comme j'ai pu le vivre moi-même : à ma droite un enterrement, et à ma gauche, un enfant était en train de naître. Même au milieu d'un conflit, la vie ne s'arrête pas. La vie continue et c'est ce que j'essaie de montrer dans mes photos.

"L'anticipation, la patience et la foi en mon travail de journaliste photographique se placent en premier lieu. Nous ne faisons pas que passer, prendre une photo puis repartir. Nous passons du temps, apprenons à connaître les gens que nous photographions et espérons gagner leur confiance. On devient élément du paysage jusqu'à devenir invisible. Seulement à ce moment-là, on peut arriver à donner une impression réaliste de leur vie."


Pourquoi est-il si important de parler d'émotions dans vos images ?

"Une photo sans émotions est comme un corps sans âme. Une bonne photo vous fait réfléchir, et vous fait ressentir ce que les autres doivent supporter. Ça me rappelle que j'ai toujours eu la chance d'avoir un toit au-dessus de ma tête et de pouvoir dormir dans un lit. Contrairement à la plupart des gens que je photographie. Je suis juste le gars derrière l'appareil photo, pas celui qui est devant."

"Even in the middle of the conflict, life never stops but keeps going and that is what I try to show in my images."

Avez-vous des conseils pour bien dépeindre les émotions dans les images ?

"Avant de commencer à donner des conseils professionnels aux photographes, j'indique toujours l'importance de faire ses devoirs relatifs à l'environnement où vous vous rendez. Pour comprendre la culture, les traditions et les choses interdites. Mon conseil est d'y passer du temps. Apprenez à connaître les gens, faites de votre mieux pour gagner leur confiance et devenez un élément du paysage jusqu'à devenir invisible. Gardez en tête qu'il ne s'agit pas d'un sprint de cent mètres, mais d'un marathon."

Si vous pouviez choisir une seule photo pour réunir tout votre travail, quelle serait-elle et pourquoi ?

"Comme toutes les photos tournent autour des gens, presque chacune d'entre elles a une valeur personnelle et un intérêt pour moi. C'est difficile de ne choisir qu'une seule photo, parce que je m'efforce de donner sa juste valeur à chaque personne que je photographie. Chaque photo raconte une histoire unique au sujet d'une personne."


Votre équipement est-il important pour vous ? Quelles exigences portez-vous à votre équipement photographique lors de vos voyages ?

"Pour moi, un outil est un outil. Toutefois, la vérité est que nous vivons une époque dans laquelle le temps et la technologie s'associent, et sont essentiels pour passer un message le plus rapidement possible à un public le plus large possible. La qualité, et non la quantité, est plus facile à atteindre grâce aux nouveaux appareils photo et objectifs. Ces dernières années, mon Canon 5D, mon 35 mm et mon 50 mm sont mes partenaires, où que j'aille. Avec cet équipement, je me sens invisible, et pour moi, il est essentiel de ne pas envahir l'intimité de qui que ce soit."

"Each picture is a story of a human being."

Vous avez fondé la Everyday Refugees Foundation. Que fait cette association exactement ?

"Tout d'abord, je suis un photographe qui espère pouvoir faire une différence. De nos jours, c'est possible. Sans mes photos et ma réputation, l'association n'existerait pas. Il est très important de partager avec le monde ce qu'il s'y passe, mais pour moi, la réelle différence qui se produit après avoir partagé mes photos est encore plus importante. La Everyday Refugees Foundation est ma plus grande prestation en deux décennies, depuis que j'ai débuté mon voyage professionnel.

La Everyday Refugees Foundation est une association néerlandaise à but non lucratif, qui aide, documente, éduque et donne son soutien aux communautés locales, aux personnes subissant les conflits, la pauvreté, la discrimination et les catastrophes naturelles, grâce à la photographie de réfugiés. Nous partageons avec le monde ce qu'il se passe en-dehors de leur monde, et si les gens veulent aider, nous acceptons leur soutien et le transmettons aux personnes qui en ont besoin. Nous montrons également comment nous avons fait la différence. Depuis 2017, nous avons lancé diverses campagnes et projets dans différentes zones partout dans le monde, dont entre autres, la Serbie, la Grèce, la Jordanie etc. Notre objectif est de pouvoir continuer ces projets.


"Nobody leaves their home unless they are forced to leave their home and that is what I try to show in my images"

Que peuvent faire nos lecteurs pour aider les réfugiés de votre association ?

"L'aide commence par l'acceptation du problème, la compréhension du fait que nous sommes tous humains. Vous aidez en répandant le message, en aidant en tant que bénévole ou en faisant un don à un projet. Personne ne quitte sa maison s'il n'y est pas contraint, et c'est ce que j'essaie de démontrer avec mes photos.

En regardant mes photos, vous pouvez toujours entrevoir et ressentir l'espoir, même dans les pires circonstances. Ce n'est que le reflet de comment je me sens et vois les choses. L'espoir est tout ce qu'il nous reste."

Vous souhaitez en savoir plus au sujet de la Everyday Refugees Foundation ou proposer votre aide ? Rendez-vous sur le site internet www.everydayrefugees.org.


L'équipement de base de Muhammed

Canon 5D IV
  • 30,4 Mégapixels
  • rafales 7 fps
  • Vidéo 4K
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Canon EF 35 mm f / 1.4 L USM II
  • Très lumineux
  • Pas de distorsions
  • AF rapide et silencieux
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Canon EF 50 mm f / 1.2 L USM
  • Extrêmement lumineux
  • Joli effet bokeh
  • Parfait pour les portraits
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Regardez ici le travail de Muhammed


Cette interview a été réalisée en anglais, puis traduite en néerlandais, puis en français.

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